Wij maakten voor het eerst kennis met de balafon-reggae van de naar Frankrijk uitgeweken Burkinees Jahkasa dankzij de release van 'Enfants Du Pays' in 2016, maar met het door Tiken Jah Fakoly geproduceerde 'Kakistocratie' lijkt de man nu toch een versnelling hoger te schakelen. Hoog tijd dus voor een nadere kennismaking!
By Jah Rebel
Jahkasa, on va tout de suite parler de votre nouvel album, ‘Kakistocratie’, mais reculons d’abord un peu dans votre carrière. Si j’ai bien compris, vous êtes né dans une famille de griots à Burkina Faso, et vous avez commencé à jouer à un très jeune âge?
Jahkasa: “J’ai commencé à jouer avec le groupe Allah-Deme. C’était le seul groupe de jeunes qui existait au Burkina à cette époque-là. On a remporté beaucoup de prix et c’est ainsi qu’en 2001 j’ai a eu l’occasion de venir jouer à Anvers. On a joué là-bas pendant trois semaines, on faisait des concerts tous les soirs. Donc, c’est pour ça que j’ai vraiment un bon attachement avec la Belgique, parce que c’est le premier pays d’Europe que j’ai connu!”
Lors de ce voyage en Belgique, vous aviez à peine 10 ou 11 ans. Il n’y avait pas de choc culturel?
Jahkasa: “Non, j’étais content de découvrir, parce qu’à l’époque, on voyait déjà les blancs à la télé. En plus, à l’école on étudiait le français et on avait des livres en français. Au Burkina on n’apprenait pas la culture burkinabé à l’école, mais celui de l’extérieur! Donc comme beaucoup d’enfants africains, je rêvais de connaître l’Europe, de connaître la France, de connaître la Belgique et autres pays occidentaux! C’est excitant d’aller découvrir tout ce qu’on avait lit et appris à l’école. Pour moi, il n’y a pas eu de choc, au contraire, c’était une belle échange culturelle!”
Venant d’une famille de griots et jouant le balafon traditionnel, comment êtes-vous arrivé à jouer du reggae?
Jahkasa: “En tant que griot, on joue dans les mariages, on joue les louanges des gens, et les gens donnent quelque chose. Mais j’ai constaté que les griots commençaient à perdre le respect qu’ils avaient dans la société et que le journalisme était en train de prendre leur place. Puis j’ai découvert le reggae de Tiken Jah Fakoly et le combat qu’il mène pour l’Afrique. En quelque sorte, c’est le rôle des griots de mener ce combat, de faire éveiller la conscience des Africains, et même des Occidentaux. C’est ça qui m’a donné l’amour pour le reggae. En introduisant le balafon dans le reggae, j’ai essayé d’apporter ma pierre à l’édifice et de créer une marque de fabrique à moi.”
Cela fait plusieurs années que vous organisez deux festivals, un en France (Les Nuits du Faso, red.) et un autre au Burkina (La Nuit du Reggae, red.). C’était quoi l’idée derrière ces évènements?
Jahkasa: “Comme l’a dit Tiken Jah Fakoly: “Personne ne viendra changer l’Afrique à notre place!”. J’ai constaté que le reggae n’avait pas trop sa place au Burkina, donc il fallait se battre pour le donner la place qu’il méritait. C’est pour ça que j’ai commencé à organiser La Nuit du Reggae à Bobo Diolasso, qui permet aux artistes de venir s’exprimer, de se retrouver, et de contribuer au développement culturel du Burkina. Mais au même temps j’avais aussi remarqué qu’en France il y a rarement d’artistes burkinabés qui viennent jouer! Avec Les Nuits du Faso, mon objectif est d’ouvrir la culture burkinabé.”
Déjà en 2016 vous avez collaboré avec plusieurs des musiciens de Tiken Jah Fakoly pour votre album ‘Enfants Du Pays’, et pour ‘Kakistocratie’ c’est maintenant Tiken lui-même qui a assumé la production.
Jahkasa: “En 2015, quand j’ai fait l’album ‘Enfants Du Pays’, je connaissais Tiken, mais Tiken ne me connaissait pas. J’ai côtoyé ses musiciens, mais ce n’est pas la même chose que quand Tiken te remarque, te conseille, te donne des idées. En tant qu’artiste, pouvoir travailler avec quelqu’un comme Tiken, cela donne du confiance. Quand j’ai fait ‘Enfants Du Pays’, il ne m’avait pas donné son avis, donc je ne pouvais pas être sûr que c’était du bon travail. Cette fois-ci, je n’ai pas seulement eu son point de vu, mais c’est aussi lui qui a financé l’album. Connecter son nom à mon album, c’est comme un label de qualité! Je voudrais le remercier de tout cœur pour tous qu’il a fait pour moi, et qu’il a fait pour la jeunesse africaine, parce que je ne suis pas le seul! C’est d’ailleurs pour ça que j’ai fait une chanson pour lui rendre hommage (‘Hommage À Tiken Jah’, red.). Je l’ai fait parce que je suis touché par ses actes. C’est un artiste qui est vraiment exemplaire.”
Dans son morceaux ‘Braquage De Pouvoir’, Tiken utilisait déjà le mot “famillecratie”, mais là, pour votre album, vous parlez de “kakistocratie”. Il s’agit de quoi exactement?
Jahkasa: “Effectivement, famillecratie, kakistocratie, ce sont des mots qui sont liés. Depuis la mort de Thomas Sankara, au Burkina, il y a eu beaucoup de trahison. On a eu 27 ans de prise en otage de la démocratie par Blaise Compaoré. Après il y a eu l’insurrection en 2015, et pendant la transition, il y a eu beaucoup de trahison encore! C’était le peuple burkinabé qui a chassé Blaise Compaoré. Ils ont dit: “Plus rien ne sera comme avant!”, et il y a eu des élections transparentes. Pendant ces élections, certains militaires, avec la complicité de la France, on n’ont pas laissé terminer le processus qui était en cours. C’est à ce moment-là que je me suis dit: “On est vraiment en période de kakistocratie!”. Je ne suis pas contre un régime en particulier, ou contre les militaires, mais c’est vrai qu’au Burkina, et même dans beaucoup de pays africains, c’est les militaires qui sont au pouvoir. Même si beaucoup de gens au Burkina les soutiennent, moi je continue à dénoncer cette kakistocratie!”
Vous venez de mentionner son nom, donc je vais terminer l’interview avec Thomas Sankara. Vous faites partie d’une génération qui n’a pas connu Thomas Sankara en vie. Pour un jeune burkinabé, le nom et le personnage de Thomas Sankara, ça signifie quoi encore aujourd’hui?
Jahkasa: “Tout d’abord, Thomas Sankara est un des plus grands panafricanistes. Au Burkina, il y a toujours eu des activistes qui ont défendu le message de Sankara, qui fait que nous, qui ne l’avons pas connu, on a commencé à s’intéresser à son histoire. Aujourd’hui on voit même que le gouvernement burkinabé commence à lui donner la place qu’il mérite. Personnellement j’ai eu l’occasion de pouvoir voyager, et chaque fois que je rencontre des panafricains, qu’ils soient du Congo, qu’ils soient des Etats-Unis, qu’ils soient de je ne sais pas où, ils ont tous un immense respect pour Thomas Sankara! Il fait partie des grands hommes panafricains. Pendant longtemps les Burkinabés ne l’avaient pas compris!”
Foto: © Jahkasa/Zn Production
Cofondateur aux côtés de Jah Shakespear qui a transitionné vers ce rôle fin 2014. A précédemment travaillé comme critique et journaliste, équilibrant ses passions pour la musique et la spiritualité Haile Selassie.
September 30, 2024